Vers des conventions citoyennes locales pour le climat ?

24 novembre 2021, conférence en ligne à l’occasion de l’Assemblée Générale du Réseau Cohérence

Depuis la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) d’autres expériences de ce type ont vu le jour en France : une Convention citoyenne (« pour réinventer notre modèle de société ») par la Région Occitanie en septembre-octobre 2020 et une Convention Citoyenne locale pour le climat en septembre 2021 par Est ensemble (9 villes à l’est du Grand Paris). Récemment, la région Bretagne a annoncé, à la suite de la Breizh Cop, le lancement d’un Haut Conseil pour le climat et d’une chambre citoyenne.

Ce débat a été l’occasion de s’interroger avec les intervenant-es convié-es, les membres du Réseau et d’autres sur la pertinence de décliner cette expérience à un niveau local (régional ou intercommunal) et sur l’implication que pourrait porter le réseau dans de tels processus.

Vous pouvez retrouver l’ensemble du débat en vidéo ci-dessus ainsi qu’un résumé des éléments qui ressortent de ces échanges.

Merci aux trois intervenant-es qui ont permis un débat de haute qualité :

  • Grégory Dos Santos, citoyen tiré au sort de la CCC et membre de la commission « Se nourrir »
  • Romane Rozencwajg, doctorante en Sciences Politiques et observatrice accréditée de la CCC
  • Aurélien Vernet, fondateur de la CLIC – Citoyennes.ens Lobbyistes d’Intérêts Communs > Tou-tes deux membres de Bascule Argoat, collectif du Centre Bretagne porteur d’une initiative d’assemblée locale auprès de Roi Morvan Communauté.

Un bilan mitigé de la Convention Citoyenne pour le Climat

D’octobre 2019 à juin 2020 s’est tenue une expérience démocratique inédite en France : une Convention Citoyenne pour le Climat (CCC)1 ayant pour objectif de « proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030 dans une logique de justice sociale ». Cette initiative, prise par le Président de la République a la suite du Mouvement des Gilets Jaunes, a suscité de nombreux débats sur son utilité et sa pertinence. Gregory Dos Santos (38 ans ; électricien) a été surpris de recevoir un texto pour participer à la Convention (et a presque cru à un canular). Il rapporte qu’au sein même de la Convention Citoyenne le tirage au sort a aussi été utilisé largement : pour répartir les 150 dans les groupes thématiques, pour désigner les animateurs de ces groupes et les 2 citoyen-nes membres du comité de gouvernance (désignés à chaque session). Les 150 tiré-es au sort ont été formés afin de partir sur un tronc commun (session 1 et 2) sur le changement climatique, certaines personnes n’étaient pas bien informé-es sur ces questions avant de vivre la CCC et ont eu un choc de réaliser l’ampleur des enjeux climatiques. Ensuite, les sessions ont été dédiés au travail par groupe thématique avec les auditions nombreuses des expert-es, de tout bords possibles (par exemple le groupe « Se nourrir » a souhaité entendre la FNSEA en même temps que la Confédération Paysanne) et le travail sur les propositions.

Le groupe des 150 tire une conclusion mitigée de cette aventure. En effet, le processus a pu être décevant et contre-productif car le gouvernement est revenu sur l’engagement d’adopter sans filtre l’ensemble des propositions de la CCC. De plus, les mesures prises suite aux propositions de la CCC restent insuffisantes au regard des enjeux climatiques et des bouleversements déjà en cours2. Cependant l’association des 150 reconnaît que la CCC a renforcé la présence du sujet du changement climatique dans le quotidien des français et que ce type de processus serait pertinent à réitérer afin d’améliorer la vie démocratique du pays.

Les Conventions Citoyennes : de quoi parle-t-on ? Quels enjeux, quelles limites et comment les dépasser ?

La démocratie participative vise à associer les citoyen-nes aux processus de décisions politiques. La Convention Citoyenne prend place dans un contexte de déconnexion et de désintérêt des français-es avec la politique et de délégitimation des représentant-es. La participation ou non à la vie politique est dépendante de l’âge, du genre, du niveau d’étude et de nombreuses personnes restent en dehors des processus politiques, dans lesquels un groupe spécifique est sur-représenté : les hommes blancs, âgés et éduqués. Les décisions, même si elles sont sensées être prises dans le sens de l’intérêt général, vont donc être biaisées de par cette sur représentation. Les Conventions permettent de réunir des citoyen-nes ordinaires et des personnes habituellement éloignées de la politique, des personnes n’ayant pas le réflexe de s’investir dans les Conseils de développement, de quartier…

Le processus de construction de l’action publique inclus non seulement les élu-es mais aussi la société civile organisée (associations, lobbyistes, …). La Convention permet au groupe participant de se former et de délibérer afin d’arriver à une décision commune allant le plus dans le sens de l’intérêt général. Au niveau local l’avantage est que les personnes sont directement concernées et « expertes » de leur territoire.

Certaines conditions sont nécessaires pour qu’une Convention Citoyenne soit un outil efficace pour faire émerger des décisions partagées qui vont dans le sens de l’intérêt général :

– le mandat doit être limité à un objet, une question, un enjeu en lien avec une décision politique

– Avoir un minimum de 100 citoyen-nes tiré-es au sort représentatifs de la population

– Former les citoyen-nes participant-es et les aider à s’investir dans la Convention

– Avoir un engagement des élu-es : politique à adopter des propositions ou à soumettre par référendum les propositions.

– Soumettre une délibération aux élu-es qui doivent être intégrés dans le processus.

– Avoir une transparence du processus et des débats.

– Connaître et débattre dans le périmètre de compétences de l’organe politique qui porte le processus.

Quelle forme d’activisme est nécessaire aujourd’hui pour faire bouger les lignes ?

Il faut de tout pour avancer :

> Des mouvements sociaux contestataires (gilets jaunes, nouvelles formes radicales – avec les jeunes générations très défiantes à l’égard des représentant.e.s politiques, – des rapports de forces médiatiques…) : ce sont ce type de mouvements qui qui ont mené à la Convention Citoyenne pour le climat

> Des processus de co-construction telles que les assemblées de citoyen.ne.s, de délibérations : cela fait parti des revendications de nombreux mouvements sociaux, ces processus permettent de légitimer des décisions radicales.

Les deux formes d’activisme sont complémentaires et s’articulent très bien.

Il est intéressant également de penser la manière de faire archipel entre les processus d’assemblées, les différentes expérimentations. Si des assemblées citoyennes locales qui fonctionnent se pérennisent, il faudra discuter de la manière dont ces assemblées pourront être connectées entre elles. Cela amène à se reposer la question de l’utilité de ces assemblées. Par exemple dans le cadre du Confédéralisme démocratique, la vie locale est gérée par des Assemblées auto-gérées, par des citoyen-nes qui désignent des représentant-es pour les échelons supra locaux. Dans ces processus il faut en tout cas faire attention au renouvellement des citoyen-nes qui interviennent pour éviter une forme de professionnalisation. En comparaison avec les Conseils de Développement, ces derniers sont consultatifs et les personnes qui participent sont les gens déjà intéressés et impliqués dans le territoire, on peut donc reprocher à ce qui en sort d’être biaisées. C’est une différence fondamentale avec les Conventions qui sont délibératives pour soumettre des propositions avec des personnes tirées au sort légitimes car représentatives et choisies au hasard.

Les Conventions citoyennes ou Assemblées sont un outil, notamment à disposition des élu-es, qui permet d’amener des grands changements car lorsque c’est trop difficile de répondre aux enjeux, ces processus donnent du poids en légitimant des mesures radicales.

CONCLUSION

En remerciant les intervenant-es et participant-es à ce débat, nous souhaitons aussi nous adresser aux représentant-es élu-es des Territoires, et plus particulièrement des intercommunalités ainsi qu’au Conseil Régional. Ce dernier a su faire preuve d’audace en proposant dans la précédente mandature la Breizhcop à l’occasion du Sraddet, en s’inspirant des moyens et méthodes de la COP21.

Si les associations environnementales et de biodiversité, non sans appréhension, ont répondu présentes et se sont engagées dans la démarche, elles n’ont pu que constater les résistances du monde agricole et industriel. A l’heure où les élu-es prennent conscience d’une nécessaire revitalisation de la décision politique, cela donnerait l’occasion d’organiser à l’échelle intercommunale ou régionale un processus de décision qui associe les citoyen-nes sur le modèle de la Convention Citoyenne. Le Réseau Cohérence souhaite continuer à travailler sur ce sujet et notamment dans la perspective de réussir à tenter une expérience de Convention Citoyenne locale dans un territoire en Bretagne avec des élu-es audacieux.

1 Site officiel de la Convention Citoyenne pour le Climat https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr

2 Avis remis par le Haut Conseil sur le Climat sur le projet de loi Climat et Résilience rendu le 23 février 2021  : https://www.hautconseilclimat.fr/actualites/le-hcc-presente-un-avis-portant-sur-le-projet-de-loi-climat-et-resilience

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