Compte rendu du Forum « Pour des Conventions Citoyennes Locales des transitions écologiques et sociales en Région Bretagne »

Le 3ème Forum régional des Coopérations organisé par le Réseau Cohérence s’est tenu le samedi 3 décembre à Lorient, à l’UBS (au Paquebot). Proposé sur la thématique « Pour des Conventions Citoyennes Locales des transitions écologiques et sociales en Région Bretagne » il a réuni une soixantaine de participant-es et a permis de faire réseau sur le sujet, de donner à voir ce qui existe déjà et de réfléchir ensemble sur une méthodologie pour mettre en place des Conventions Locales.

Après la tenue de l’Assemblée Générale du Réseau Cohérence et un repas partagé convivial, tout le monde s’est retrouvé dans la salle principale pour une plénière participative suivie d’une séquence d’ateliers. Voici un compte-rendu (non exhaustif) des échanges lors de cette demi-journée.

Plénière participative

> Le réseau Cohérence a fait Appel à deux grands témoins pour cette journée de rencontre :

  • Charlotte Marchandise, citoyenne engagée, autrice de « Plus belle la politique »
  • Michel Briand, acteur de réseaux coopératifs en Bretagne.

> Et à plusieurs personnes ayant participé à des Conventions Citoyennes – Locales pour la plupart – afin quelles puissent faire profiter de leur retour d’expérience :

  • Thomas N’Dem et Romain Denis, Citoyens tirés au sort de la Convention Locale à Nantes.
  • William Aucant, citoyen de la Convention Citoyenne pour le climat (nationale)
  • Moussa Hamit Issaka, Membre du comité des initiatives locales à Orvault et membre tiré au sort de la commission citoyenne à Orvault.
  • Karine Besses, membre de la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) et garante de la Convention de Rennes Métropole.
  • Sandrine Vincent, Maire de Chevaigné & Vice Présidente à Rennes Métropole déléguée à la communication et aux relations aux citoyens Rennes).

Plusieurs objectifs animaient cette journée :

  • Faire réseau sur le sujet

Rencontrer et faire se rencontrer des acteurs qui ont vécu des Conventions Citoyennes Locales, qui aimeraient que des Conventions se mettent en place dans leurs territoires, qui souhaitent en mettre en place… Elu-es ou citoyen-nes, militant-es ou non,… Cette journée a permis à une cinquantaine de personnes souhaitant accélérer les transitions et faire vivre la démocratie sur son territoire de se rencontrer et d’échanger autour de cette thématique.

  • Donner à voir pour donner envie

Comprendre quelles sont les grandes problématiques de ce type de processus, quelles réponses y ont été apportées par ces différentes Conventions et comment anticiper ces enjeux pour de prochaines Conventions Citoyennes Locales en Bretagne… Nous avons pu explorer tout cela à partir des retours d’expériences de différentes conventions locales.

  • Réfléchir avec d’autres sur la méthodologie

Le Réseau Cohérence a animé un groupe de travail pendant un an afin de réfléchir à une méthodologie pour mettre en place des Conventions Citoyennes Locales des transitions. Ce 3ème Forum des coopérations a été l’occasion de publier une brochure présentant ce travail, afin d’apporter des éléments de réflexion sur le sujet en Bretagne. Nous avons également lancé un Appel à la mise en place de Conventions Citoyennes Locales des transitions sur la Région Bretagne !

> > > SIGNER L’APPEL < < <

Les Conventions Citoyennes Locales sont un outil qui peut permettre de faire participer un groupe de citoyen-nes à la décision politique. Mais c’est un exercice qui demande une certaine exigence démocratique pour éviter qu’il ne devienne un objet de « faire-valoir » ou qu’il reste un coup d’épée dans l’eau. Voici les quelques enjeux qui ont été discutées lors de la plénière :

Une liste de questions a été élaborée en démarrage de la plénière par l’ensemble des participant-es avec un exercice de type « boule de neige ». Voici les thématiques et questions qui ont été soulevées :

  • Sur les retours d’expériences des intervenant-es :
    • Comment s’est construit la prise de décisions sur les propositions ? Le consensus a-t-il sa place ? (quid des divergences?)
    • Comment avez-vous géré vie privée et participation à la Convention Citoyenne ? (par rapport au travail, aux temps dédiés…) ?
    • Comment avez-vous trouver le temps de vous engager comme citoyen tiré au sort et qu’est-ce que cela vous a apporté ?
    • Comment est-ce que la charte de la Convention de Rennes Métropole a-t-elle été validée par les élu-es ?
  • Concernant les modalités des Conventions Citoyennes Locales :
    • Comment assurer la diversité et la représentativité dans les Conventions Citoyennes Locales ?
    • Quelles modalités pour le choix du thème, la participation, le choix des expert-es et des outils numériques dans les Conventions ?
    • Comment articuler le rôle des citoyen-nes, des expert-es (locaux?), des agent-es territoriaux et des élu-es ?
    • La place des élu-es dans le processus ?
    • Quels sont les éléments indispensables pour que le projet de Convention réussisse ?
  • Concernant l’échelle de la Convention :
    • Quel intérêt d’une échelle locale ou régionale pour une Convention Citoyenne ?
    • Une CCL au niveau d’une commune est-elle réalisable ? Moins facile ?
  • Sur les résultats concrets des Conventions Citoyennes :
    • Comment est abordée et quelle place prend la problématique du logement dans les Conventions Citoyennes ?
    • Quel « lien » ou quel impact des Conventions Citoyennes sur les pouvoirs publics ? (est-ce juste pour se faire plaisir ou y-a-t-il un réel impact ?
    • Comment avoir un propos qui parle au plus grand nombre et embarque le plus de citoyen-nes dans la participation ? (au-delà de la Convention).

Comment permettre la participation de tou-tes (dans et en-dehors du processus) ?

Décréter la participation ne suffit pas, que ce soit dans la Convention elle-même ou pour toucher un maximum de personnes au-delà de la Convention. Cette question a été abordée à plusieurs niveaux :

  • Les conditions d’une participation diverse et élargie doivent être mise en place par la collectivité : à cet égard le tirage au sort est indispensable pour aller chercher celles et ceux qui ne participent jamais aux processus démocratiques habituels qui sont basés sur le volontariat.
  • Au-delà du tirage au sort, il est nécessaire de mettre en place les conditions effectives de la participation. Ainsi Rennes Métropole a par exemple indemnisé les participant-es de 79€ par jour. En plus de levers des freins financiers, d’autres incitatifs peuvent être activés comme la reconnaissances de compétences des individus (faire des liens avec le Compte de Formation Professionnel ou délivré un titre de formation à l’issue de la Convention), prendre en charge les transports et la garderie d’enfants, …. Sur le pays de Vannes on travaille sur un badge pour identifier l’acquisition des compétences obtenus lors des participations à des dispositifs démocratiques proposés par les collectivités. Un autre exemple de participation au niveau de l’Europe existe avec des citoyens accompagnés et formés par des attachés parlementaires.
  • Dans la Commission d’Orvault, Hamit rapporte que les citoyen-nes tiré-es au sort ont eux-mêmes établi les horaires et schémas de fonctionnement de la commission afin qu’ils soient adaptés aux participant-es.
  • Plus largement une réflexion autour de la place dans nos sociétés pour la participation aux processus démocratiques a été abordée : des personnes ne participent pour ne pas sacrifier leurs week-ends, leur vie personnelle dont pour certain-es leur vie de famille, ainsi la tranche des 30-40 ans est la plus dure à mobiliser. La participation devrait être intégrée dans / sur le temps de travail et ne pas être en plus. Certaines personnes ont proposé d’instaurer des journées obligatoires de « mise à disposition citoyenne ». Il serait possible de le faire en s’inspirant des modèles des syndicats de mise à disposition de temps disponible pour les salarié-es ou encore en demandant à l’état de légiférer pour que les employeurs donnent une journée à leurs salariés pour participer à ce type de processus démocratiques. Il serait possible de s’inspirer des jurés d’assises, qui sont rémunérés et pour lesquels c’est obligatoire de participer. Des dispositifs existent et mériteraient d’être étendus pour permettre aux gens de participer aux activités sociales et politiques de la société.
  • La question du numérique : l’utilisation des outils numériques a été soulignée à la fois comme un potentiel levier et comme un potentiel frein à la participation. Pour certaines personnes les outils numériques ne sont pas accessibles, pour diverses raisons et leur rendre accessible ces outils demande trop d’effort d’adaptation des parties. Pour d’autres il a été noté que les échanges en visio permettaient parfois une plus juste répartition de la parole par l’animateu-rice, qui peut plus facilement distribuer la parole (activer et couper les micros des participant-es) et la prise de parole est parfois plus simple pour des personnes qui osent plus facilement s’exprimer derrière un écran plutôt qu’en public / en présentiel.

Quel (bon) échelon/échelle pour une Convention Citoyenne Locale ?

Quelle temporalité, quel échelon (régional, intercommunal, communal…) ? Les participant-es se sont questionnés sur le cadre dans lequel une Convention Citoyenne Locale et les modalités adaptées.

  • Notamment le terme de Convention désigne un processus limité dans le temps, un exercice qui se déroule en général sur plusieurs mois et la pertinence de cette non pérennité a été questionnée. Pourquoi ne pas mettre en place des commissions ou assemblées permanentes comme c’est le cas en ce moment à Poitiers ? Il y a également l’exemple de la Métropole de Rouen qui a mis en place une Convention citoyenne locale qui se réitère tous les deux ans sur un thème précis.

Comment garantir que les propositions des Conventions soient véritablement adoptées ?

  • La confiance entre élu-es, habitant-es, associations se construit… Les conventionnés de Nantes Métropole ont rappelé l’importance de l’honnêteté sur le niveau des engagements par les élu-es dès le début du processus, pour ne pas créer de frustration. Ce temps de démarrage a été plus long que prévu pour la Convention nantaise (rencontre, formations des citoyen-nes) et le temps « institutionnel » est long également, tout cela est à prendre en compte avec de la marge de manœuvre en amont pour ne pas sacrifier le temps de réflexion, de débat et de construction des propositions.
  • Concernant l’engagement des élu-es il est possible de travailler en amont sur une charte ou un contrat comme ça a été le cas pour la Convention d’« Est Ensemble », pour laquelle les élu-es ont signé sur des directions et des objectifs en amont de la Convention. Dans tous les cas ces processus sont dépendants de l’intention politique du départ et de son authenticité.
  • L’encadrement de ces types de processus n’existe pas, il y a le code de l’environnement qui permet d’informer et de récolter l’avis des citoyens mais la loi ne reconnaît pas légalement des décisions prises en dehors des institutions, comme l’adoption de mesures par une Convention Citoyenne, c’est toujours le Conseil de la collectivité qui décide au final. Nous sommes revenus avec William Aucant sur l’expérience de la Convention pour le Climat national et la promesse de garder les propositions « sans filtre », qui est devenue un poison au fur et à mesure pour Emmanuel Macron. Les 9 mois de travail ont permis d’aboutir à 149 propositions avec le soutien d’un comité logistique efficace mais malheureusement les propositions n’ont pas été transmises aux député-es, elles ont été remises directement au gouvernement. Ce dernier est sans doute allé plus loin dans les lois mises en place ensuite sur les questions climatiques que s’il n’y avait pas eu de Convention Citoyenne mais la plupart des mesures proposées par les 150 ont été vidées de leur sens et de leur ambition en étant mises dans les textes de lois (quand elles n’ont pas disparues).
  • Il est nécessaire de penser dans le processus même de la Convention le droit de suite et la continuité du travail avec les citoyen-nes. Le retour d’expérience des Conventionnés de Nantes va dans ce sens, les citoyen-nes tiré-es au sort se sont senti-es dépossédé-es de leur travail alors qu’ielles sortaient du processus de co construction, ielles ont remis leur propositions à la Métropole qui leur a donné rendez-vous un an plus tard pour rendre compte des avancées. Les conventionné-es ont alors monté leur propre collectif de suivi de mise en place des mesures.
  • La démocratie est aussi une question de rapport de forces et de place du pouvoir. Il a été rappelé sur les luttes sociales n’ont jamais gagné en demandant « s’il vous plaît ».

Conclusion

La Convention nationale a apporté la crédibilité que des citoyen-nes tiré-es au sort, (in)formé-es des / sur les enjeux sur lesquels on leur demande de travailler sont capables de répondre à des questions complexes et de faire des choix politiques qui vont dans le sens de l’intérêt général (les 150 ont fait des propositions répondant au double enjeu de transition écologique et de justice sociale, qui vont plus loin que ce que les gouvernements ont été capables de mettre en place ces 30 dernières années). La mise en place de Conventions citoyennes locales peut être un outil de co-construction de politiques publiques sur des enjeux du temps long sur les territoires, encore faut-il de la volonté politique authentique pour mettre en place cette co-construction et des moyens permettant une réelle participation. Plusieurs ateliers ont permis de creuser les modalités potentielles de la mise en place de ces Conventions Citoyennes locales en Bretagne :

  1. Le temps de préfiguration / préconfiguration 
  2. La convention elle-même
  3. L’adoption des mesures post-propositions
  4. Le suivi et l’évaluation de la mise en place des propositions
  5. Quelles dynamiques proposer s’il n’y a pas de volonté politique ?
  6. Comment convaincre les collectivités d’y aller ?
  7. Comment construire un réseau en Bretagne pour soutenir la mise en place de Conventions Citoyennes Locales ?

Quelques ressources et références :

Questions et enjeux soulevés par la plénière et les ateliers du 3 décembre :

Favoriser les Conventions Locales sur les transitions en Bretagne

  • Existent-ils des projets de conventions citoyennes en vue des élections locales de 2026, notamment en Bretagne ?
  • Quels réseaux activer en priorité pour mettre en place une convention citoyenne locale ?
  • Comment valoriser les expertises locales, en très bonne connaissance du territoire (universitaires, associatifs, agents, artistes, artisans, entrepreneurs…) ?

S’appuyer sur l’existant

  • Peut-on imaginer un système hybride de gouvernance locale alliant démocratie représentative et démocratie directe/participative via une convention citoyenne locale, permanente, régulièrement renouvelée par tirage au sort, et ayant une vision de long terme non assujettie aux temporalités électorales ?
  • Existe-t-il déjà des conventions citoyennes locales avec pouvoirs co-décisionnaires ?
  • Quelle articulation/fusion possible avec les « conseils de développement » ? (dont on voit aujourd’hui, parfois, les limites potentielles > manque de représentativité, manque de poids décisionnaire, manque d’indépendance…)

Concernant la préfiguration

  • Quelles sont toutes les étapes de la phase clé préfigurative ? (arbres de décisions / cheminement) :
    • groupe de travail initial ? qui impliquer ? combien de personnes ? quid si il n’y a aucun soutien d’élu.e.s ?
    • comment échantillonner pour assurer un tirage au sort bien représentatif de la population locale ?
  • Quelle animation mettre en place pour chaque étape du processus de la préfiguration jusqu’au suivi des mesures concrètes locales ?
  • Comment articuler les rôles des parties prenantes : citoyens (notamment ceux tirés au sort pour la convention), experts (locaux et au-delà), agents territoriaux et élus locaux ? : quel contrat mettre en place entre les parties prenantes ?
    • Quelle qualité de relation / considération entre les parties prenantes ? horizontalité ? attitude coopérative ?
  • Comment définir les « bénéfices » des différents acteurs pour rendre la convention citoyenne « gagnant-gagnante » pour tous ?
  • Comment bien définir l’objet de la convention citoyenne ? partir du « bon constat » ? de la bonne définition des termes ? attention aux mots-valises et aux concepts flous sujets à interprétations personnelles.
  • Clarification du mandat ? consultation, concertation, co-construction, co-décision… ?

Concernant la méthodologie

  • Concernant les citoyens tirés au sort, comment favoriser un maximum la participation :
    • bonne estimation du temps de travail ? bonne planification pour que cela soit « acceptable » ? bonne visibilité de la charge de travail, du calendrier et de l’emploi du temps ?
    • bénévolat ou indemnisation ? (indemnisation juré d’assise 79 € / jour + garde d’enfants)
    • validation des compétences acquises pour les citoyens mobilisés ? « certification citoyenne » ?
    • quelles formations initiales nécessaires des citoyens tirés au sort ? prise de parole ? CNV ? techniques de concertation/consensus…?
    • quelles modalités de réunion ? combinaison présentiel / visio ? attention à l’illectronisme ! besoin d’un médiation intelligente, d’une bonne distribution de la parole.
  • Comment apaiser les relations d’acteurs ? diminuer la défiance public-politique ?
  • Quelle gestion des relations de pouvoir ? des tentatives d’influence ? quelles animations et facilitations à chaque étape ?

Sur les résultats de la Convention

  • Comment tenir informés et embarquer les citoyens non tirés au sort ? rendre disponible les sessions de travail en vidéo ? publier des résumés de session ? prévoir une animation plus large ?
  • Quels garants et garanties mettre en place ? comment mesure l’implication, la sincérité, l’authenticité des « élus » ?
  • Quels engagements sur la reprise des propositions de la convention ? sans filtre ? engagements sur les grandes directions ?
  • Quel système de compte-rendu mettre en place ? et d’évaluation et du suivi (conduits par des personnes indépendantes, formés, outillés dans l’évaluation des politiques publiques…) ?
  • Quel accompagnement pour transposer les propositions en textes législatifs locaux ?
Ce contenu a été publié dans Actualités. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.