Au moment de sa publication, juste au seuil de l’an 2000, l’ouvrage de Mikhaïl Gorbatchev Mon manifeste pour la Terre ne suscita que peu d’attention. Il en est tout autrement aujourd’hui de l’encyclique Laudato si’ qui traite du même sujet. Elle éveille un très vif intérêt, bien au-delà des milieux catholiques.
Nous avons de bonnes raisons de penser que ces deux documents figureront demain, côte à côte, tels des jalons, dans les livres d’histoire qui relateront la lente, trop lente, prise de conscience de l’humanité vis-à-vis de la question écologique. Ils présentent en effet d’étonnantes similitudes.
Rappeler que cette encyclique fut précédée d’un « manifeste » élaboré par un homme issu d’un courant de pensée hostile aux religions, qui présida aux destinées de l’un des empires les plus puissants que la Terre ait jamais porté et qui obtint en 1990 le prix Nobel de la Paix, n’est évidemment pas destiné à relativiser le message du pape François mais, bien au contraire, à en souligner le caractère universel.
Nous nous devons d’abord de relever le fait que la référence au concept de « maison commune » pour désigner la Terre est très présente dans les deux documents. Gorbatchev fut l’un des touts premiers à le promouvoir et le pape s’y réfère constamment en s’appuyant également sur le concept de « bien commun ». Il les utilise plusieurs dizaines de fois ! Il convient aussi de souligner que les deux hommes dénoncent avec la même détermination la société de consommation qui : corrompt l’esprit humain et le pousse à entrer en conflit avec la nature 1. Ils expriment les mêmes réserves à l’égard de la techno-science. L’un et l’autre doutent en effet fortement de sa capacité salvatrice pour permettre de régler les problèmes écologiques. Ils dénoncent, en outre, avec vigueur le néo-libéralisme qui aggrave comme jamais les inégalités entre les hommes et les territoires et insistent sur la nécessité absolue de s’attaquer simultanément et conjointement aux questions écologiques et aux questions sociales jugées absolument indissociables.
Mais les similitudes ne résident pas seulement dans la dénonciation des processus qui sont à l’œuvre, affectant l’équilibre naturel de la planète et sapant la communauté des hommes : elles concernent également la foi que l’un et l’autre placent en la société civile. Tous deux sont convaincus qu’elle peut et qu’elle doit devenir maîtresse de son destin et ils rendent d’ailleurs un hommage appuyé aux associations et aux O.N.G qui entretiennent les solidarités et qui contribuent à l’éveil des consciences.
On notera surtout et là est l’essentiel, qu’ils en appellent avec force à la mobilisation de toutes les ressources spirituelles de l’humanité, tant pour renforcer les liens de coopération entre les communautés et les peuples que pour protéger la diversité, la vitalité et la beauté de la Terre 1.
C’est bien là, pour reprendre l’expression de Gorbatchev, une responsabilité sacrée 1 dont le pape François se fait l’ardent avocat et face à laquelle vont se trouver confrontés les chefs d’états qui se réuniront bientôt à Paris dans le cadre de la COP 21.
Jean-Claude Pierre
Porte-parole du Réseau Cohérence
1 Mikhaïl Gorbatchev. Mon manifeste pour la terre. Le Relié, 2002.