Jean-Yves Griot nous a quitté le 1er mai dernier. Agriculteur, pionnier de l’agriculture durable, syndicaliste à la Confédération paysanne, cheville ouvrière du réseau Agriculture Durable et du réseau breton Cohérence, cet homme tranquille et de conviction a non seulement remis en cause avec d’autres paysans et des personnes de la société civile l’agriculture productiviste industrielle du Grand Ouest, mais également proposé un autre modèle agricole, en faisant notamment la promotion du système herbager dans un souci d’autonomie de production. Ceux et celles qui ont eu le plaisir de le côtoyer saluent son engagement et son humanisme constants. Marié, père et grand-père, il avait 70 ans. Sa disparition suscite une vive émotion ainsi qu’une immense tristesse.
Originaire de la Loire, Jean-Yves Griot fut tout d’abord Ingénieur à l’Institut technique du porc à Paris durant 10 ans, puis éleveur laitier au Genest-Saint-Isle en Mayenne, de 1977 à 2003. En cohérence avec ses convictions, il a fait évoluer son système de production vers une agriculture plus autonome, plus économe et liée au sol. Avant de prendre sa retraite, il était ainsi dans un GAEC de 2 exploitants, sur une ferme de 38 ha, en système herbager développé au sein des groupes Agriculture durable.
Une vie militante pour un autre développement, durable et solidaire
Des premières activités militantes aux dernières, des premières responsabilité aux dernières, du local dans sa commune dont il était conseiller municipal à l’international, l’ampleur de l’engagement de ce chevalier de la Légion d’honneur est impressionnante. Jean-Yves Griot a activement oeuvré à la construction de deux réseaux associatifs accompagnant les agriculteurs à faire évoluer leur mode de production. Le Réseau Agriculture Durable, dont il fut le premier président. Le Réseau Cohérence dont il fut président puis secrétaire général, aux côtés de Jean-Claude Pierre. Il était aussi pilote de sa Commission Eau-Agriculture-Santé où il a mené un travail très patient et déterminé pour faire valoir une agriculture respectueuse du vivant. Ainsi, l’accompagnement d’éleveurs de porcs vers des exploitations à taille humaine, valorisant des systèmes durables, respectueux de l’environnement et des animaux (retour sur paille) par la voie d’une certification citoyenne participative, a été l’un de ses dossiers majeurs dont les enjeux restent cruciaux quant aux indispensables mutations de l’agriculture en Bretagne.
Une vraie relation de confiance
« J’ai rencontré Jean Yves pour la première fois en 2004 me semble-t-il. Il était alors président de Cohérence et je venais représenter Bretagne Vivante à une réunion inter-associative pour décider de continuer ou non à participer au Plan d’action pour une agriculture pérenne. Depuis nous sommes toujours restés en contact pour toutes les positions à prendre au niveau régional ou national concernant l’agriculture. De nombreuses fois l’un de nous deux a commencé un texte fini par l’autre. Sans nous voir beaucoup nous avions une vraie relation de confiance, souvent nos idées se complétaient. Nos parcours étaient extrêmement différents et pourtant nous nous comprenions. Ma dernière rencontre était le 31 janvier où nous nous retrouvions face à 3 inspecteurs généraux des ministères sur la problématique de la substitution de l’azote minéral par l’azote organique. En sortant de la réunion nous avions échangé amicalement sur le sujet. Début mars nous préparions un texte en commun à propos de la réforme de la PAC en vue du vote par le Parlement européen. » Daniel Piquet-Pellorce – Bretagne Vivante.
Jean-Yves Griot sut également se faire militant de l’écologie politique. Il fut en effet candidat des Verts dans la 2ème circonscription de la Mayenne aux élections législatives de juin 2007. Praticien passionné, pédagogue patient et humble, il ne se satisfaisait pas de dénoncer les dommages causés par l’agriculture productiviste aux agricultures d’ici. Il tissait sa critique et ses pratiques d’une profonde préoccupation pour les paysans du Sud. Il savait expliquer ce qui liait, dans un même mouvement, la solidarité pour les paysans, du monde entier, le souci d’une alimentation de qualité pour les consommateurs, la constante attention à l’épuisement des ressources naturelles. Celles et ceux qui l’ont connu savent qu’il était, pour les enseignants qui l’invitaient à rencontrer leurs élèves, une parole lumineuse. Il l’était également pour les militants et les militantes qui ont pu le rencontrer, à qui il savait transmettre toute l’énergie nécessaire. Parmi eux, Armina Knibbe, actuelle présidente du réseau Cohérence : « Nous prenons conscience, combien la disparition de Jean-Yves une très grande perte qui demande un immense temps de métabolisme pour la transformer en une nouvelle énergie, pour les siens, pour nous tous. »
Nous saluons la mémoire de ce Griot de la Terre qui continuera longtemps de nous inspirer.
Cet article a initialement été publié sur le site du média associatif Bretagne durable, le 08/05/2013.