La FRCIVAM Bretagne organisait une journée de formation sur la PAC le 4 octobre. Voici quelques éléments de synthèse pour aider à comprendre la nouvelle architecture de la prochaine PAC, les enjeux et les marges de manœuvre identifiées par le réseau des CIVAM.
Le Ministre de l’agriculture, Julien Denormandie l’a qualifié de «PAC de la stabilité». La plateforme inter-organisation Pour Une Autre PAC a parlé d’un renoncement devant les défis de l’agriculture pour l’emploi, les transitions agro-écologiques, l’alimentation et les attentes sociétales. Pour accéder à la compilation des nombreux travaux du collectif, vous pouvez lire la publication «Quel plan stratégique national pour la PAC 2023 – 2027 en France? – propositions de Pour une autre PAC et analyse des arbitrages nationaux».
Le futur 1er pilier de la PAC, entre continuité et nouveauté amène son lot de mesures qu’il faudra bien s’approprier. Le paiement de base et le paiement redistributif sont dans la continuité tandis que des changements pointent pour les aides couplées chez les bovins. Réservée aux animaux de plus de 16 mois, l’aide à l’UGB sera de 110 €/UGB pour les mâles et les femelles de race à viande (plafond à 120 UGB). Pour les autres bovins, 60 €/UGB avec un plafond à 40 UGB.
L’une des nouveautés concerne le maraîchage (légumes frais dont pommes de terre primeur) avec une aide pour des fermes exclusivement en maraîchage, supérieures à 0,5 ha et au maximum de 3 ha pour un montant de 1 500 €/ha. Attention aux conditions d’éligibilité très restrictives qui devraient limiter l’accès à 1 500 – 3 000 fermes en France.
L’écorégime (qui remplace le Paiement Vert) vient complexifier la déclaration PAC. Pour bénéficier de la rémunération du niveau standard (60 €/ha) ou du niveau supérieur (82 €/ha), il faudra choisir entre 3 voies d’accès :- voie des pratiques de gestion agro-écologique selon les productions et les couverts: diversification des cultures ou maintien des prairies permanentes ou couverture végétale de l’inter-rang. Différents ratios sont appliqués au niveau 1 et 2.- voie de la certification environnementale: au même niveau bio et HVE 3 pour le niveau supérieur ou la certification environnementale 2+ pour le niveau standard. Cela ce traduit par le respect de la certification environnemental «+» le respect de 1 des 5 enjeux de HVE 3ou de disposer d’un Outil d’Aide à la Décision pour la réduction des intrants et un engagement de gestion des déchets. Cela est encore en construction.- voie des éléments favorables à la biodiversité: ratio de 7 ou 10% d’IAE/ha de SAU selon le niveau de rémunération.
Le bonus Haie, facultatif, vient compléter les mesures de l’écorégime. Pour cumuler 6€/ha, il faudra justifier d’au moins 6% de haies dans la SAU avec un plan de gestion durable.
Le second pilier se trouve divisé en 2. D’un côté l’État et les DRAAF pour tout ce qui concerne les mesures «surfaciques», cad. les MAEC financées à l’ha. De l’autre, le Conseil régional pour les dispositifs «non surfaciques», cad les MAEC forfaitaires, la DJA, les aides aux investissements, les aides au développement territorial et coopération.
Les CIVAM, historiquement engagés en faveur des mesures herbagères ont eu bien du mal à se faire entendre du Ministère pour donner une suite à la MAEC SPE plébiscitée en Bretagne. La mesure «herbagère» retenue par le Ministère pour la futur programmation ne s’est pas appuyée sur les propositions du Collectif Breton pour les MAEC. Rien sur la prise en compte des haies et de la biodiversité, rien sur le pâturage et le bien-être animal.
Le nouveau cahier des charges se décline en 3 niveaux d’engagement et il reprend les indicateurs de part maximal de maïs fourrage dans la SFP, de part minimal d’herbe dans la SAU, de réduction progressive des IFT et de plafond de concentré par UGB. Il introduit un taux de chargement maximal par ha de SFP et l’interdiction de traitement en plein sur les prairies permanentes (5 ans et plus).
Mais dans cette MAEC, l’interdiction du retournement des prairies permanentes ne passe pas! Alors que dans la SPE, seules les prairies naturelles (PPH) devaient rester en place, la nouvelle rédaction vient pénaliser la stratégie de vieillissement des prairies promue dans les groupes CIVAM de l’Ouest. L’obligation de maintenir en place la prairie de plus de 5 ans empêche la rotation normale en système de polycultures élevage. Cela a été dit et argumenté auprès du Ministère mais sans retour pour l’instant.
Le cahier des charges se complète d’un minimum de prairie permanente dans la SAU (%) à atteindre et l’interdiction des produits phyto sur les prairies temporaires pour valider l’engagement de niveau 2. Et enfin, limitation de la fertilisation azotée minérale sur prairies à 50 kg/ha/an pour contractualiser le niveau 3. Cela conduit à une rémunération comprise entre 125 et 210 €/ha selon les 3 niveaux d’engagements.
Sans détailler les autres cahiers des charges de MAEC, il ressort que les approches systèmes ne sont pas mises en valeur dans les propositions qui privilégient des engagements «unitaires», c’est-à-dire une mesure de réduction des herbicides, qui pourrait se cumuler avec une mesure zone humide, … Des choix seront à faire par les acteurs bretons et à valider par la DRAAF pour définir les mesures prioritaires issues du catalogue national, les combinaisons souhaitées et les territoires concernés pour dégager une politique agroécologique ambitieuse.
Le Conseil régional aura en gestion les MAEC forfaitaires dont il est mentionné qu’elles devront au moins proposer des baisses d’IFT de 30% et une réduction du bilan carbone de 15%. Les modalités ainsi que les objectifs restent largement à définir.
Côté aides à l’installation, c’est également le Conseil régional qui pilotera avec notamment les critères de modulation de la DJA et les aides «aux nouveaux agriculteurs». Les CIVAM ont déjà exprimé des demandes pour repousser le critère d’âge, favoriser l’emploi, l’autonomie et la diversification.
Les possibilités de soutenir des démarches territoriales, des projets collectifs ou de filières apparaissent dans les compétences des régions. On y retrouve le Partenariat Européen pour l’innovation (PEI), l’aide aux organisations de producteurs, au renouvellement des générations, LEADER, l’accès à la formation et au conseil. Des thématiques à explorer par les CIVAM pour espérer trouver des moyens d’animations et d’accompagnement à l’installation, à la transmission ou pour de l’agriculture de groupe.
A court terme, c’est dans les régions que de nombreuses décisions seront prises pour la mise en œuvre du 2nd pilier de la PAC dans les territoires. Le réseau des CIVAM s’appuiera sur la précédente programmation des MAEC SPE et ne laissera pas tomber les nombreux éleveurs herbager et bio engagés. Les systèmes économes en intrants et durables répondent à des enjeux d’emplois et fournissent des services environnementaux qu’il faut financer. Les DRAAF et les Conseil régionaux devront proposer des choix ambitieux en faveur de l’installation et de l’engagement des fermes dans la transition agroécologique.
Dominique Macé
FRCIVAM : Fédération Régionale des Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural
« Pour des campagnes vivantes… »